TIR - SHOOTING

"Les cibles sont trompeuses et la flèche hasardeuse"
Anthony DiNozzo - NCIS


LE TIR SPORTIF


La pratique du tir est un exercice passionnant pour le corps et l'esprit, c'est une discipline difficile où l'on n'est jamais "arrivé" à quelque niveau supérieur, qui force à la modestie, comme tous les sports en général. Il y a de bons résultats parfois, de moins bons souvent. D'où l'existence de "matches", de concours, qui permettent d'évaluer les niveaux et faire le bilan des séances d'entraînements.
Un bon tireur est à mon sens un tireur moyen car toujours soumis aux aléas de la météo, de sa forme, des petits incidents divers et variés pouvant intervenir lorsqu'il faut coordonner son esprit avec sa perception, son corps donc, et la préparation rigoureuse de son arme et du plus important encore : sa munition.

Mais alors y-a-t' il de très bons tireurs et pourquoi ? La réponse est oui.  Certains sont certes mieux disposés que d'autres, il en va de même pour le ski, le violon ou la plongée sous-marine. Mais à mon sens une raison l'emporte : l'expérience, la pratique constante, fait nettement la différence.
Un des meilleurs tireurs qu'il m'a été donné d'observer est un homme de 85 ans (Jacques, si tu me lis, je te rajeunis un peu !), à la vue déclinante, dont les mains tremblent parfois.
Son tempérament est calme, c'est une sorte d'ours, de costaud dirons-nous, très doux aussi, rien d'un matamore.
Et pourtant : après quelques années à le regarder tirer, toujours calme et égal à lui-même, avec un humour et une auto dérision très "british", je dois dire que ce type est étonnant.
Il n'est pas rare de le voir gagner des concours ou se placer en tête devant de beaucoup plus jeunes.
C'est la fin de ma démonstration : "Jacques" pratique le tir depuis... 65 ans, et a fait ses débuts comme militaire et résistant.
Libéré de sa dimension morbide, le goût des armes et du tir se transforme en loisir, ce qu'il faudrait souhaiter qu'il demeure si les hommes ne passaient pas une partie de leur temps à se trucider...



POURQUOI ?

Quelle drôle de manie peut amener un bipède à peu près normal (à peu près) à se passionner pour un "vieux" fusil comme le Garand M1 et continuer à apprendre encore et toujours sur le sujet après 10 ans passés à creuser la question ?
La réponse est simple : il a fallu 10 ans environ à John Cantius Garand pour le mettre au point aux arsenaux de Springfield. Et le fruit de son travail dépasse de loin l'effort de guerre et la simple conception d'une nouvelle arme. Une de plus... Non.
Il y a autre chose : "Garand" était un génie.
Il a créé un mythe, un monument, engendré quelque chose de "beau" au sens philosophique du terme !
A l'heure où j'écris ces lignes je n'ai pas épuisé le sujet, j'ai encore beaucoup à découvrir et la passion est toujours là.


LE PAS DE TIR

Comme son nom en forme de négation ne semble pas l'indiquer, au "pas de tir", l'on tire !

Caler la plaque de couche dans sa main gauche, nichée au creux de l'épaule droite, plaquer sa joue sur le noyer d'Amérique, sentir la communion totale du corps et de son prolongement est un instant unique, et magique, qui précède le son enveloppant de la détonation, l'odeur sucrée et poivrée à la fois de la charge... qui vous surprend, le coeur battant, près au prochain coup sans faillir ni quitter votre visée... le temps semble flotter.


Se rendre au pas de tir ressemble à tout autre activité sportive : c'est un rendez-vous avec soi-même. Quelle que soit la motivation, l'humeur du jour, la forme physique, le moral, autant de "variables" dans la vie du tireur, la séance de tir va donner un résultat objectif sur tous ces paramètres, un peu comme un bilan de santé ou la prise du pouls.


Les résultats à la cible ne trichent pas : le moindre manque dans la préparation, le détail imparfait, la hâte au lieu du calme, le petit souci (ou le gros) que l'on a oublié d'oublier avant de se concentrer, la munition mal dosée, bref ! tout cela se retrouve aux résultats.
Tireur moyen, pas assez assidu, mais passionné, j'ai obtenu un jour mon meilleur résultat car certains paramètres étaient réunis. Ils peuvent se résumer à la motivation, la volonté de se dépasser. C'est commun aux autres sports.

Ce jour-là quelles étaient les conditions ?

Plusieurs jours de concentration sur l'épreuve avec une motivation croissant lentement : l'objectif étant de gagner sur soi-même, pas contre les autres.

Des munitions préparées soi-même, avec le plus grand soin, la qualité, la perfection de la munition, le soin méticuleux, le temps passé sont déterminants : 50% du chemin parcouru si l'on sait que l'on va tirer des cartouches impeccables.

Une bonne nuit de sommeil, mais pas trop, de toute façon on se réveille plus tôt car l'on est sur les starting-blocks...

Harmonie dans la vie privée : évitez contrariétés, alcool, manque de sommeil.

De bonnes conditions météo, pas de vent, temps sec, température ni trop fraîche ni trop chaude, excellente visibilité.

Au pas de tir, un calme total, conversations amicales mais il est préférable de parler peu, l'esprit ne doit pas se dissoudre et perdre son capital "concentration". Il est urgent de se hâter... lentement !

Au moment des cartouches d'essai, aucunes interférences et un calme croissant, renforcé par tout ce qui a précédé. Si les étapes précédant le tir, plusieurs jours avant, se sont bien passées, à l'instant où le cerveau est en phase de prendre la visée, de commencer enfin l'épreuve, le chemin est déjà en grande partie parcouru...

Pendant les round, il faut tout oublier. Le cerveau ne doit plus être relié à son mode "relatif", ne plus être brouillé par la multiplicité des signes à gérer dans la vie "normale" : on débranche tout !
Etre dans ce que l'on voit, entend, avec un corps sain (autant que faire se peut), un rythme cardiaque stable et lent, une décontraction musculaire maximale. Là encore l'on retrouve des paramètres identiques pour le tir à l'arc, à la plongée sous-marine (etc.), ou tout autre sport.

L'idée de gagner, de réussir le match est certes présente mais ne doit pas prédominer car elle va entraîner l'effet contraire, on ne réussit pas par la seule volonté mais par le total don de soi à ce que l'on accomplit. Il faut s'oublier dans l'action.

Un concours ça dure... un certain temps ! Et les épreuves se succédant à un rythme soutenu, il faut tenir sur la longueur : pas de montre sur soi et surtout pas dans sa tête.
Le temps est subjectif : il est indispensable d'être en cadence, écouter les ordres donnés par le directeur de tir, et suivre les actions qui s'enchaînent. Etre dans le tempo et pas dans la durée.

On doit terminer un peu sonné mais toujours aussi calme et serein : le résultat, lui, on l'ignore encore, ce sera la cerise sur le gâteau.

Si les résultats sont bons, évitez d'avoir la grosse tête, il est rare que l'on soit toujours en tête.


Hormis les jours de match, la prescription est la même. Mais sur une année de pratique, au rythme des séances se succédant, je dirais que tout se complique. Après les lauriers : l'humilité, car l'on ne gagne que sur soi-même et pas tous les jours ! Progresser est aléatoire dans le domaine du tir, ou alors sur une longue durée, c'est un sport difficile car tributaire d'un ensemble de détails techniques liés au matériel, et tributaire de la météo, des interférences diverses : l'état de vôtre vue (elle varie dans le temps), l'humeur, etc.

Le tir sportif implique d'être responsable de son matériel, de le maintenir au meilleur niveau, comme une écurie de Formule 1 ou de motos consacre la majeure partie de son temps aux réglages des machines...